Romeo Mivekannin

 

'Hommage aux 7', 2021

Pour l’exposition, Roméo Mivekannin nous plonge dans les jeux et enjeux complexes de la représentation du corps noir dans l’histoire. L’artiste revisite par la peinture une photographie prise en 1930 représentant des soldats congolais rendant Hommage aux 7; sept hommes, congolais eux aussi, amenés en Belgique par le roi Léopold II pour être présentés dans son zoo humain lors de l’exposition internationale de 1897. Pour Léopold II, le zoo devait incarner l’ambition progressiste de la Belgique et justifier sa présence au Congo par sa mission civilisatrice. 

À travers son œuvre Hommage aux 7, Mivekannin interroge les dispositifs d’observation et de classification que sont respectivement le zoo humain et le médium de la photographie. Ces deux dispositifs ont à leur manière figé le corps noir dans une posture que leur sujet n’avait pas choisi : une posture idéologique produite par le colonialisme. La peinture de Mivekannin, faisant la synthèse des deux histoires, devient alors un dispositif spéculaire qui nous renvoie le reflet de nos propres contradictions. Que regarde-t-on vraiment dans l’œuvre ? Un moment de l’histoire des Noirs dans le monde ou la mise en lumière des structures systémiques du racisme qui conditionnent encore aujourd’hui notre rapport à l’Autre ? L’autoportrait narquois de l’artiste comme posé sur chacune des silhouettes de soldats laisse peu de place aux doutes : cette fois, notre regard nous sera durement et directement renvoyé.

 

Biographie

Né en 1986 à Bouaké (Côte d'Ivoire), Roméo Mivekannin vit et travaille aujourd’hui entre Toulouse (France) et Cotonou (Bénin). Après une formation en ébénisterie puis des études d’histoire de l’art, Roméo Mivekannin intègre l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Toulouse. Parallèlement à ses études, il développe un travail personnel de création plastique, et expérimente plusieurs médiums, de la sculpture à la peinture. À la suite de ses études, il se consacre à son activité de plasticien tout en commençant une thèse entre histoire de l’art, sociologie et architecture intitulée « Afrique Postcoloniale et photographie contemporaine : espaces urbains / espaces invisibles ». Au croisement de la tradition héritée et du monde contemporain, Roméo Mivekannin intègre ses créations au sein d’une temporalité ancestrale, fabriquant ses propres rituels, en écho à la cosmologie vaudou, très présente au Bénin.

À l’image d’un rite initiatique, l’artiste plonge les draps qui composeront le fond de ses œuvres dans différents bains de solutions rituelles, des bains d’élixir, quelques-unes d’entre elles ayant été enterrées à certains endroits du monde, en lien avec l’histoire de la colonisation. Le temps propre de ces draps, eux-mêmes hérités et usés, vient alors se mêler aux temporalités évoquées par les sujets de ses toiles. La mémoire et le temps deviennent ainsi la matière même de ses œuvres, leur technique.

Dans les séries Barnum et Modèle noir, peintures et bains d’élixir sur toiles libres, Roméo Mivekannin questionne la place des Noirs dans une iconographie occidentale marquée par les systèmes de trafic humain et de domination qu’ont été l’esclavage et la colonisation. En citant les photographies de « zoos humains », des peintures classiques célèbres ou des photographies iconiques illustrant les injustices systémiques subies par les Noirs, et en se représentant lui-même au sein de ses compositions, l’artiste trace une ligne directe entre hier et aujourd’hui au sein d’une histoire de violences et d’injustices. Le travail de Roméo Mivekannin a fait partie de la sélection de la Biennale de Dakar en 2020. Il a également fait partie de plusieurs expositions collectives en France, notamment au sein de la Chapelle de Villematier, de la Art Paris Art Fair, du 1-54 Contemporary African Art Fair et de la FIAC. En 2018, il publie également un roman, La Malédiction des Orishas, aux éditions Les Indés.